Marc Large : “J’accompagne les personnes dans des périodes importantes de leur vie”
Dessinateur de presse pendant plus de 15 ans, Marc Large délaisse son crayon pour l’aiguille en 2020. Dans son salon de tatouage orthézien, ce raconteur d’histoires encre désormais son art sur les peaux. Une nouvelle manière de façonner les identités.
Propos recueillis par Justine Roy et Luigy Lacides
Vous dessinez, vous êtes réalisateur, vous écrivez, et maintenant, vous tatouez. Pourquoi vouloir fixer votre art sur les peaux ?
M.L. : Cela faisait longtemps que le tatouage m’attirait. Il n’y a pas de pomme Z, on se lance sans filet, et c’est une pratique qui est étroitement liée au dessin. Je trouve que la vie est intéressante quand nous explorons plein de domaines, et le tatouage en est un. Il apporte un nouveau souffle.
Vous avez partagé vos travaux sur les réseaux sociaux. Certaines histoires sont très personnelles. Avez-vous le sentiment d’aider vos clients à trouver une part de leur identité ?
M.L. : Oui, les demandes sont souvent associées à des événements que les gens ont vécu, en lien direct avec leur identité. Certaines personnes viennent me voir parce qu’elles sont en deuil ou pour ancrer des liens familiaux. Il existe parfois un aspect réparateur, voire même psychologique. J’ai déjà tatoué un jeune qui s’était scarifié le bras. Il voulait oublier cette période et nous avons trouvé une solution pour effacer ce complexe. Il arrive que j’accompagne les personnes que je tatoue dans des périodes importantes de leur vie.
Vous avez même tatoué un homme, rescapé d’un cancer du cerveau…
M.L. : L’histoire de cet homme m’a beaucoup touché. Il souhaitait utiliser la cicatrice laissée par son opération pour représenter la ligne d’une canne à pêche, tenue par un pêcheur assis sur une lune. Au bout du fil, une étoile, sa bonne étoile.
Ressentez-vous une forme de responsabilité ? Vous est-il déjà arrivé de refuser certains projets ?
M.L. : Oui, l’enjeu est de taille, il faut bien discuter avec la personne pour comprendre ce qu’elle attend. Après, j’ai une interprétation personnelle, j’y mets ma patte. Pour ce qui est des refus, mes clients sont libres de modifier leurs corps comme ils le souhaitent, mais il y a des demandes que je décline, comme tatouer sur les visages. Parfois je dis aux gens : “Cela peut vous gâcher des ouvertures, vous ne savez pas ce que la vie vous réserve.” S’il y a un regret, sur le visage, cela est terrible.
Vous avez emprunté de multiples chemins au cours de votre carrière, mais qui est l’homme derrière tous ces challenges ?
M.L. : Sur Wikipédia, quelqu’un m’a défini comme un “raconteur d’histoires”. J’aime bien cette formule parce qu’elle regroupe tout. J’ai passé les 6 premières années de ma vie en Côte d’Ivoire. L’Afrique est un continent auquel je suis attaché. Quand je pense à cette période, le sourire me vient en premier, tous ces sourires que je voyais enfant et que je n’ai plus vu en arrivant en France.
Vous cultivez également un vrai rapport aux Pyrénées-Atlantiques, et même à l’ours, symbole de cette région. D’où vous vient cet amour pour ce territoire ?
M.L. : J’arrivais de l’Afrique où il y avait des symboles puissants, comme le lion ou l’éléphant. Dans les Pyrénées, c’est l’ours. J’étais fasciné à l’idée de savoir que Cannelle, l’un des derniers grands fauves de la région, se trouvait là-bas. Un membre du réseau “Ours brun” m’a emmené sur ses traces. Cela a réveillé plein de magie en moi, j’ai illustré mon premier livre “Pyrénées sauvages” à l’issue de mon voyage. Trouver une empreinte au sol est fantastique, des poils accrochés à un arbre…et puis un jour, j’ai vu Cannelle. L’ours est omniprésent chez moi. C’est le logo de mon salon. Et j’ai tatoué un ours sur mon bras.
Quels sont les prochains tatouages que vous souhaiteriez réaliser, sur vous-même et sur vos clients ?
M.L. : Sur mes clients, j’aimerais tatouer le Club des 27, ces chanteurs et chanteuses qui sont morts à 27 ans. J’ai aussi pour projet de faire figurer tous les endroits dans lesquels j’ai vécu sur ma peau, mais je réfléchis encore à la forme que ce tatouage pourrait prendre. Je suis passé, entre autres, par le Sénégal, la Guyane Française, la Corse, le Maroc, et j’ai grandi en Côte d’Ivoire, ces voyages m’ont beaucoup marqué.